vendredi 30 janvier 2009

Pierre





Je ne vois pas les objets de nature comme des objets de collection, mais de transition. Je n'en garde que quelques uns, car je me défie de ces manies envahissantes, je me méfie du côté compulsif des collectionneurs.


Les objets m'évadent, me sortent de moi, m'invitent à la rencontre d'autres formes. C'est pourquoi ils n'entrent pas facilement chez moi. Le bric et le broc me surprennent, donc m'intéressent vivement, mais de loin.


Je n'aime guère les formes décidées, dont l'anthropomorphisme est trop fort, ou tiré par les cheveux. Je n'ai pas vraiment envie de retrouver l'homme dans un morceau de bois; mais le perdre non plus. Je suis à mi-chemin d'une esthétique et d'une poétique. C'est dire la difficulté de définir ce champ d'approches. Et cependant tel objet trouvé me saute immédiatement aux yeux et je peux dire aussitôt que celui-ci précisément je le conserverai.


En fait, peu tenté de reconnaître des formes je préfère laisser les choses se faire. Une forme s'impose et se donne alors. Plus elle est à la limite de l'abstraction, plus elle me comble. Je crois que la forme porte en elle sa réponse, pleine et jouée définitivement. Elle attend depuis longtemps, depuis toujours que quelqu'un s'approche d'elle, se baisse, la voie ailleurs qu'à l'endroit où elle dormait. Car il faut d'abord déplacer mentalement un objet pour le voir, en extraire le reflet, en suggérer le charme...


Pour toutes choses avoir cette préférence. Ne pas s'approcher d'un caillou en prédateur: il le sent et s'enfonce en d'habiles mimétismes qui vous le rendront invisible. Plutôt, laisser faire par imprégnation et ainsi la pierre, dans le vrai silence d'une attente secrète, va quitter le décor où elle était fondue pour vous apparaître. Les pierres ne sont guère farouches, mais tout de même ce sont des pierres_ c'est à dire des sortes d'êtres muets, capables du chaud et du froid, comme nous autres, comme les oiseaux...

Suite de Marcher à l'estime de Patrick Cloux

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