dimanche 25 janvier 2009

Pierre






Les bois et les pierres des chemins sont nos balises. Ils se dressent comme des cairns sur des routes inconnues, au milieu d'un océan de terre. Ce sont des oeuvres incertaines et proches, des signes d'accointances, des rappels, des injonctions. Nous les découvrons au fur et à mesure. Cela nous aide à voir les choses d'un oeil aguerri et fertile. Ce sont d'incessantes réponses arrachées à la confusion. De leur fréquence peut naître une esthétique du donné. Tout concourt alors pour nous permettre de reconnaître, dans le flottement des formes, celles qui nous concernent, celles qui nous traversent. Une cosmologie personnelle, vraie et fausse bien sûr, peut insensiblement établir tout un réseau de relations, de sens , de directions. Cela aide à quitter les états vagues, les ornières, les espaces flous. Ce sont des étapes , des transitions, des signes, ambigus au départ, qui une fois reliés à un système complexe et vivant, en un mot à une poétique des formes, finissent par aller tout seuls marquer en nous leur place. Avec cette justesse des évidences qui n'en sont plus. Une fois perméable ou poreux, nous laissons les choses se faire un peu plus, beaucoup mieux. C'est ainsi que ce qui doit éclairer est prêt depuis toujours. Un objet de nature a un temps infini devant lui. Nous ne l'approcherons qu'une fois élargis. Curieux, je me sens plus lié, donc dix fois moins anxieux, me retrouvant en des points, des lignes et des repères inespérés et d'autant plus agissants. Il y a de belles surprises à ces reconnaissances, des retrouvailles dans la moindre trouvaille, un lien dense à des collectes d'impressions rarement démenties. Une périphrase du bonheur.




Extrait de " Marcher à l'estime" de Patrick Cloux

Edition "Le temps qu'il fait"

2 commentaires:

Tisseuse a dit…

je retrouve bien dans cet extrait de texte mon propre rapport aux pierres et aux arbres qui jalonnent mon chemin, ou morceaux épars que je ramasse
merci pour cette découverte !

Laura- Solange a dit…

Toujours un caillou dans la poche, des pierres plein les étagères, un peu de rêve à chaque fois que la main effleure le grain de la pierre.