lundi 9 février 2009

Pierre




...Le paradis est à peu près perdu à chaque génération. Il serait vain d'épiloguer sur la fuite du temps, cette forme définitive du jardin clos sur nos seuls souvenirs. C'est construire sa vie que de vivre ainsi au milieu des pertes et des renoncements de chaque jour. Le passage par la réalité est le seul chemin. Nous l'empierrons en l'empruntant, pour d'autres que nous, pour ceux qui viennent. Les idées ne valent qu'usées, elles ne sont que des outils, ou des moments d'adaptation partielle. Rien ne serait pire qu'une éternité d'idées fausses.


...La belle affaire c'est nos défaites. Peupler l'ombre d'instants de lumière, c'est déjà beaucoup, un exercice de haute voltige. Trouver la densité, le poids d'un corps, s'y tenir, ne pas déplanter de trop nombreux arbres pour en faire des allées tracées au cordeau. Laisser la chance semer ses veines de quartz dans la caillasse du quotidien. Trouver la poignée des mots qui ouvrent les portes, n'en faire qu'un usage limité pour ne pas les falsifier, pour ne pas user la penne à trop tirer ses flèches, dans le vent, pour du vent. Une intimité peut s'établir. La patience est à l'oeuvre, elle est du meilleur bois, la patience traverse la peur gelée des êtres. C'est ainsi et c'est considérable . Les oiseaux, tôt levés, chantent et pépient sous nos fenêtre. Le soleil en naissant refroidit le froid laissé par la nuit...


...Certains matins tiennent tout à distance...Aller chercher un caillou bleu et suivre ainsi le lit d'une rivière jusqu'au moment où elle tourne; mettre une petite pierre sous une grosse autant de fois qu'il vous semble nécessaire. Déserter les prescriptions traditionnelles pour prendre le malheur de court, ne pas laisser l'ongle s'incarner, ouvrir les mains plus souvent...Le sorcier est un sourcier du sang. La folie voit vite les pierres saigner. La douleur les lave de nos larmes...


...Marche à l'estime - Patrick Cloux -

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