dimanche 15 mars 2009

Le coeur cousu




Mon âme est brodée au passé, couverte de couchures de plumes d'oiseaux minutieusement assemblées. Broderie-miroir, les mots de la couturière ajoutent des morceaux de verre argenté ou du mica à mon paysage intérieur. Ses longs monologues déversés dans la pièce perlent mes jeux d'enfants de souvenirs qui ne sont pas les miens. Les rêves de la couturière sont montés un à un à l'aide d'aiguilles invisibles si fines qu'elles blessent à peine mes tissus délicats. Je me fais étoffe pour elle, je me tends à l'envers sur le métier de bois, moi qui ne suis que chair, os et sang.
...Me voilà traversée par la lignée, emplie d'un réseau compliqué de mailles bouclées et tortillées se succédant rang par rang ...
...N'est-ce pas la douleur de nos mères que nous nous léguons depuis la nuit des temps?

Extrait du livre le coeur cousu de Carole Martinez (Gallimard)

3 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est une terrible question que ce texte pose. Les douleurs, les non dits, les terreurs familiales sont ancrées en nous. Nous les portons, en souffrons inconsciemment ... le pire est de continuer à les transmettre ... comment briser cette chaîne ?
Arpi

Tisseuse a dit…

la douleur, oui, mais aussi l'énergie de nos mères, la capacité de porter nos créations et d'enfanter

Anonyme a dit…

Trouée de silence
où la lumière passe
espace de vie
où la parole fleurit
fil brodé
autour d'un vide
qui parle
d'elle.