mardi 21 juillet 2009

Se rendormir à Venise



Pour moi Venise est la célébration de l'immobilité. Venise représente le refus d'accepter toute forme innovatrice. Le refus est si total qu'ici même les inventions primordiales de l'homme n'ont pas réussi à s'imposer. Le feu parce que la ville est entourée d'eau. La roue pour des motifs aussi évidents. Les Vénitiens préféreraient habiter dans les branches des arbres s'il y en avaient.
Cela résume tout à fait l'absolue supériorité de Venise comparée aux autres lieux. La ville reste toujours immobile, opposée aux petites nouveautés qui remplissent d'habitude la vie des gens. En effet à Venise l'on ne peut pas tenter de cacher le vide intérieur (sauf par les masques mais ça ne fait en fait que le renforcer) derrière d'infimes bouleversements quotidiens, parce que ici le quotidien ne change pas, ce qui ne permet à personne de masquer la misère de son existence.

Non pas que cette connaissance finisse par susciter de grands traumatismes. Les Vénitiens s'ennuient certainement beaucoup, mais leur désespoir n'est pas plus insoutenable que d'autres. C'est même peut-être le contraire. Ils apprennent depuis leur plus tendre enfance, à faire avec leur propre impuissance dans un état d'acceptation philosophique de leur nullité.

Pour un écrivain comme moi, qui ne fait rien d'autre que réaffirmer sa nullité et celle d'autrui, il ne pourrait y avoir de meilleur endroit au monde. Depuis que je me suis installé à Venise, il y a huit ans, j'ai mis en doute toute éventuelle foi dans le progrès humain, dans le développement individuel.

Désormais,je me sens coincé par la torpeur vénitienne. Je n'arriverai plus jamais à partir d'ici. La ville a un effet calmant sur moi. Parfois, je me réveille avec un fort désir de me façonner un rôle actif dans le monde, mais, heureusement, je me rendors au bout de quelques secondes.
Il ne peut y avoir d'endroit meilleur que celui-ci.
Diego Mainardi

1 commentaire:

Bifane a dit…

Il a dû se sentir y renaître, ou y naître en tant qu'être accompli, pour en parler si amoureusement...
Jamais vu Venise... J'aimerais bien, un de ces jours...
Bien le bonjour, Estourelle !