dimanche 9 mai 2010

La Source


J'appelle poésie cet envers du temps,
ces ténèbres aux yeux grands ouverts, ce domaine passionnel où je me perds
ce soleil nocturne, ce chant maudit aussi bien qui se meurt dans ma gorge
où sonnent à la volée les cloches de la provocation...
J'appelle poésie cette dénégation du jour, où les mots disent aussi bien
le contraire de ce qu'ils disent que la proclamation de l'interdit, l'aventure
du sens ou du non sens, ô paroles d'égarement qui êtes l'autre jour,
la lumière noire des siècles, les yeux aveuglés d'en avoir tant vu, les oreilles
percées à force d'entendre, les bras brisés d'avoir étreint de fureur ou d'amour
le fuyant univers des songes, les fantômes du hasard dans leurs linceuls
déchirés, l'imaginaire beauté pareille à l'eau pure des sources perdues...
L. Aragon

1 commentaire:

Bifane a dit…

Et voilà précisément ce qu'elle doit être...