mercredi 27 avril 2011

Le havre de grace (Raymond Quenaud)





Il ne faut pas chercher espace et souvenir
Dans la poussière énorme où dorment les maisons
Il ne faut pas chercher le temps et la mémoire
Dans la ferraille obscure où s'ébrèchent les toits
Je n'aurai pas cherché le vin ni le plaisir
Dans le vide indigo d'une fenêtre aveugle
Je n'aurai pas cherché le moment et l'histoire
Dans les rues abruties sous le poids des murailles
Les plans retraceront cette topographie
Les archives creuseront cette chronologie
La mort s'affirme pure au creux des brèches sèches
Le sable écroulé aspire mon enfance
Squelettes d'épiciers squelettes de tailleurs
Cadavre dispersé de la vieille librairie
On a tué tous les murs on a tué la lumière
Déjà des souvenirs commençaient à crever
On a tué tous les murs détail supplémentaire
Je meurs par tout quartier la ville toute entière
Saute dans le matin en petites poussières
Dont l'une fut mon cœur dont l'autre fut ma main

R. Quenaud

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