samedi 4 février 2012

"Cet été là"


..."Elle nagea loin, puis se retourna pour regarder la côte. Elle appartenait à cette terre là. Vu d'ici c'était si peu. Elle était née dans cette fourmilière dont l'agitation ne cessait jamais, le jour se levait quelque part dès que la nuit arrivait ailleurs et c'était comme des départs de feu, cela s'embrasait continuellement et rien ne pouvait empêcher le mouvement, sept milliards d'êtres humains vieillissaient en même temps. Elle ferma les yeux allongée sur le dos, tenue par l'eau salée et lourde, elle était une partie, une toute petite partie du monde. Elle n'aurait su dire si c'était dérisoire, ou énorme, et s'il y avait une responsabilité à cela. Elle pensa aussi que dans ce monde, chaque chose était nommée. L'intérieur d'une noix. Les parties du corps les plus microscopiques. Les sentiments les plus complexes. Les matières. Les fonds marins, les volcans, tout avait un nom. Elle, pourtant, aurait été incapable de dire ce qui l'habitait. Puis elle attendit que cela vienne comme à chaque fois, et cela vint: le besoin soudain de ne plus être seule au milieu de l'eau, le besoin de rejoindre les autres, nager vers le rivage avec la petite peur que la mer nous retienne, comme si cela ne devait jamais finir, comme s'il était possible de nager sans cesse sans jamais arriver nulle part. ..."


Véronique Olmi
Extrait du roman "cet été là"

2 commentaires:

el duende a dit…

Le texte est très beau. Par contre je ne partage pas ce sentiment, cette peur de n'arriver nulle part... de n'être pas partie intégrante de cette humanité foisonnante et affairée. Je me verrai bien flotter dans les airs, ou dans l'eau ad vitam aeternam, en harmonie avec le monde, sans désir et donc sans douleur...

estourelle a dit…

S'éloigner un peu du rivage fait parfois du bien pour méditer sur le sens de la vie pour mieux y retourner ... J'ai toujours trouvé que la mer apportait cette impression d'infini et qu'en nageant on a l'impression de se l'approprier , mais c'est une illusion...ou un jeu...