lundi 22 octobre 2012

La femme de Job




Alors, la femme parle. Elle parle haut, elle parle bas.
Arpentant ce qui reste de leur demeure, allant et venant sur le sentier des vignes détruites, de la rivière à sec: la femme parle.
Elle parle avec et contre l'histoire. Avec et contre les humains, qui ont bonté et violence dans leurs os.
Avec et contre le temps. La femme parle avec tout ce qui surgit des entrailles et s'élève vers on ne sait où. Elle parle. Pour elle seule, et pour chacun. Elle cherche à boucler sa pensée, à fixer ses sentiments, à saisir les raisons de ce saccage.
Elle glane des mots d'ici, de là, espérant, à travers cette moisson déréglée, découvrir la parole qui soutiendra Job et qui les soulagerait.
Elle ne sait plus qui elle est, ni d'où elle vient, ni où elle va. Est-elle loin, loin, à l'arrière ? Ou bien loin, loin, devant ?
Elle était, elle fut, elle est, elle sera : la femme de Job
Elle n'a pas d'autre nom. Elle n'en désire aucun autre.

Andrée Chedid ,  La femme de Job
Photo, Georges de La Tour , Job et sa femme (détail)

2 commentaires:

Patrick Lucas a dit…

elle a tout perdu...
sauf la lumière
c'est elle qui éclaire le chemin
devant !

mémoire du silence a dit…

J'ai lu et adoré ce livre.
merci de le mettre en lumière