mercredi 28 août 2013

Dark matter de Fred Seidel



             "La matière noire invisible
              dont nous ne sommes pas faits
              me fait peur
              La majorité de l'univers
              en est composée

                                                    Je mets un glaçon 
              dans un verre
              il pèse cent millions de tonnes
              un échantillon
              de la plus dense étoile

                                                   Je lis l'effroi
              que j'ai écrit
              que tu es en train de lire

                                                  difficile de croire 
              que tu es là bas
              et pourtant si

                                                   je me demande 
              ce que les cosmologues ignorent
              ce pourrait être 
              tout ce qui existe
              celui qui regarde la page 
              pourrait être tout ce qui existe

                                                   matériau qui brille
              ou a brillé
              la matière noire 
              est autre chose
              les cosmologues ne savent pas 
              les physiciens non plus
             

                                                  les étoiles ne sont pas 
              autre chose à part
              la rangée des choses 
              est là
              elle est invisible 
              et ne fait aucun bruit 
              peu importe
              qu'elle n'en fasse pas 
              j'ai besoin de prendre sa main
              pour traverser la rue " 

3 commentaires:

mémoire du silence a dit…

Ce texte me bouleverse le coeur par sa beauté et sa vérité, sa douleur.
Il y aurait-il une esthétique de la douleur ?

merci

estourelle a dit…

une esthétique je ne sais pas mais peut-être la douleur fait entrer dans un dépouillement qui accompagne la beauté comme la matière noire accompagne la lumière...

Cela me touche aussi beaucoup...

Merci à toi

Kadjagoogoo a dit…

Merci pour ce partage. Plus je lis ce poème, plus je le comprends et plus je l'aime (« comprendre, c'est déjà aimer », comme j'aime à le dire), avec ce continuum qu'il opère là entre le cosmos et le quotidien, pour dire l'effroi du deuil, incompréhensible, opaque et muet, comme peut l'être cette matière noire sourd et inquiétante, qui restent insaisissable même pour les scientifiques qui l'examinent et ne sont pas près d'épuiser son mystère. Celui de la mort restera lui aussi longtemps impénétrable.

A voir les images d'illustration de ce billet, vous avez vous aussi, Estourelle, découvert ce joyau dans « The Look », le beau film documentaire consacré à l'actrice Charlotte Rampling, qui y tenait ses propos sagaces sur son métier si avantageux dans cette obligation qu'il fait à l'acteur de s'exposer, de se risquer (que je poste ici, échanges de bons procédés) :
« Je ressens une excitation animale face aux situations dont j'ignore l'issue.
Que peut-il arriver quand on est face aux gens ? C'est toujours un défi de s'exposer ainsi. Ça a quelque chose de d'érotique, d'excitant pour les sens. On se met volontairement en danger. C'est le moteur des meilleures expériences, des choses les plus intéressantes : affronter ses peurs ; oser y aller – et le faire.
Pour donner quelque chose de valable de soi-même, il faut se sentir à nu, complètement exposé. »