mardi 24 juin 2014

L'oeil de Dieu



                        
Chez Wols, il y a un désir, mêlé d’angoisse, de se retrouver, en personne, dans les choses qui l’entourent : il ne fait pas confiance aux mots, ces « caméléons », parle confusément, ne tolère du langage que sa forme aphoristique et leur préfère toujours les ouvrages du pinceau ; car le sujet voyant se confond alors avec les choses qu’il voit, « le Voyant est chose vue »[1]. Il « réalise » dans chacune de ses toiles – tant au sens d’incarner que de prendre conscience – « la commune participation cosmique », la présence de l’un dans l’autre et de la partie dans le tout, car il a compris que « l’expérimentateur fait nécessairement partie de l’expérience et le peintre du tableau »[2].
Il convient d’ailleurs ici de rappeler que c’est précisément lors d’une exposition de Wols à Paris en 1947 que l’on a commencé à parler de « peintures de taches », créant des « êtres picturaux » purement plastiques, en opposition à la peinture abstraite[1]. Précisément, la supériorité de la peinture de Wols, selon Sartre, « c’est que les Choses, dans ses gouaches, sont innommables : cela veut dire qu’elles ne sont pas de la compétence du langage et que l’art de peindre s’est entièrement dégagé de la littérature. Ses titres ne désignent pas l’objet : ils l’accompagnent »[2]. 
[1] Cf l’article « tache / tachisme » du Vocabulaire d’esthétique d’Etienne Souriau, Quadrige PUF, Paris, 1990 p. 1335-1336.

DND SIT IV p. 433 ; Cf Ill. 63 à 67.

[1] DND SIT IV p. 414.
[2] Ibid. p. 415 ; ce passage fait songer à la réflexion de Merleau-Ponty, dans L’Œil et l’esprit, sur la fusion du peintre avec ce qu’il peint, au point d’intervertir les rôles : « Le peintre vit dans la fascination. Ses actions les plus propres (…) il lui semble qu’[elles] émanent des choses mêmes, comme le dessin des constellations. Entre lui et le visible, les rôles inévitablement s’inversent. C’est pourquoi tant de peintres ont dit que les choses les regardent » OE p. 31

1 commentaire:

mémoire du silence a dit…

OH ! que j'aime ceci
c'est une peinture qui me parle
elle fait résonance