1
" la neige recouvre la tombe de mon père.
Le silence du cimetière n'est pas celui de la mort
Ni de sa mort,
Mais celui de l'hivers.
La mort est blanche.
Sous le noir de la pierre devenue blanche
Mon père retourne à la terre,
Il me précède.
Dans l'air blanc
Sous le ciel blanc
Mon être blanc flotte vers son âme blanche.
2
Des pas conduisent jusqu'au bord de cette terre
ouverte
Et refermée sur lui.
Les traces racontent des âmes en peine,
Venues là,
Comme moi,
Sans moi,
Pour parler aux morts comme on parle aux
morts:
Avec des mots blancs faits de silences blancs.
3
Même la mort meurt.
Mais pas si vite,
Il lui faut du temps,
Le temps de la vie.
Seuls les squelettes échappent à la mort
Et encore...
Affaire de temps.
L'embrasement du cosmos tuera même les
morts.
Puis il tuera aussi la mort.
Pour l'instant,
La mort est trop vivante pour être déjà
morte.
4
Mon père est mort à minuit vingt
Sous un ciel bas
Sans étoiles
Sous une voûte brune
Comme si les feux s'étaient éteints
Pour vider un ciel qu'il m'avait appris à lire.
Cette nuit là,
Notre étoile polaire brillait de l'autre côté de
l'univers.
5
Sous cette cathédrale de cendres qu'est une
voûte étoilée sans étoiles
Il est mort debout
Droit
Vivant
Comme il avait vécu ses trente milles aurores.
Foudroyé comme un arbre millénaire,
Resté debout
Droit
Comme vivant il avait vécu,
Il demeurait là,
Mort,
Dans mes bras de vivant.
6
Je fus alors d'un seul coup un très vieil enfant
Porteur des dernières secondes de son destin:
Une poignée de minutes fatales offertes en ultime
cadeau
Sertie dans l'obscurité de cette arche sidérale
Veuve de planètes.
Fixés tous les deux dans le cosmos
Lui, mort
Moi, vivant
Mais mort aussi de sa vie ôtée.
7
Je l'ai posé sur le sol,
Allongé sur l'abîme dans lequel
Pourtant,
Il restait debout.
Plus debout encore que jamais.
Son beau regard bleu fixait l'étoile polaire
invisible.
L'azur de ses yeux devenait terreux comme
le ciel de ce soir là.
J'ai posé ma main sur ces yeux qui ne verraient
plus que la terre.
8
Cette nuit funeste était nuit de l'Avent.
Autrement dit :
Nuit païennes des solstices millénaires.
L'aube de cette nuit est crépuscule du pouvoir
de la nuit
Elle annonce la mort de la mort
Et la vie de la vie.
Car la nuit la plus longue marque aussi
la naissance du retour à la lumière.
La nuit de la mort,
De cette mort,
Enseigne la naissance d'un retour à la lumière.
Mais Lequel ? "
Extrait de : "la sagesse des abeilles
Premières leçon de Démocrite"
De Michel Onfray
Janvier 2012
1 commentaire:
Merci beaucoup pour tant de sensibilité et de vérité.
Ces extraits donnent vraiment envie de le lire.
encore merci
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