vendredi 5 juin 2015

lee Bul






L'exposition de Lee Bull me percute plus que je ne l'aurais cru, on se croit blinder , mais les lézardes sont là , bien présentes et se craquellent. Je retrouve l'extérieur, la terre ferme sous mes pieds. Dans la salle du musée le sol en panneaux réfléchissants et mouvants donne le vertige. Dans le souterrain miroitant c'est un déséquilibre réel, l'impression de se cogner à soi,  Un sentiment angoissant, renforcé par les effets des miroirs  du parcours en spirale de "la via négativa".On ne peut plus sortir ni de soi ni de l'espace et c'est  Venise et son labyrinthe de ruelles qui  remontent à la gorge, là où désir et peur se mêlent, dans (le chakra de la parole)le souffle du silence.

Tout ici parle de fragmentation. Je contemple les écritures en divers langues, en particulier celle qu'on lit de haut en bas, chinoise, au dos des panneaux transparents. Ainsi nous avançons, réfléchissant le monde autour de nous, avec des écritures au dos, cachées.

"On ne devrait pas laisser les miroirs accrochés au mur des chambres" dit Virginia Woolf dans sa nouvelle, "la dame dans le miroir". Son personnage apparaît à la fin, nu, vide, "rempli de rien".

Cet écho en moi, cette impression d'être prisonnière dans une tour, prisonnière des images , des miroirs. Cette impossibilité de communiquer qui on est vraiment, et cette question - écrire - est-ce s'enfermer encore plus dans la tour, continuer de tourner en rond dans un labyrinthe de glaces réfléchissant nos existences, où l'on se heurte sans cesse à soi même, ou bien écrire est-ce sortir de soi, sortir de la tour grâce  aux mots que l'on jetterait dans l'embrasure comme les cheveux de Raiponce. 

Un effroi me saisit. Être nu - être vrai - être vide - être...quoi? - On est encombré de tant de choses vaines. On voudrait se délester et on se remplit sans cesse, de nouvelles pensées, de nouveaux mots, de nouveaux souvenirs, un processus sans fin, un phénomène de vase communiquant. On oublie, on efface puis de nouvelles informations nous envahissent.

"Des grandes choses qui se trouvent parmi nous, l'existence du néant est la plus grande" disait Léonard de Vinci. Je trouve pourtant refuge dans un poème chinois de Wang Wei après m'être enveloppée dans le grand lustre de perles comme en un châle de lumière. Cela me donnera peut-être une vision? 

Soudain cela s'éclaire, la réponse est peut-être dans la question -être:quoi?- La réponse est une exclamation! une évidence, un défi, face à l'absurde qui tournoie dans ses miroirs fallacieux : Être,quoi!

Photo: Sculpture de Lee Bull(détail) 2012. Contreplaqué, miroir acrylique, peinture alkyde, 274 x 360 x 480 cm.

Lee Bul, artiste coréenne en 1964, étudie la sculpture à l'université Hongik à Séoul. 

Sa recherche se développe à travers des performances, des sculptures, des dessins, des installations. Elle conçoit l'art comme une représentation de nouveaux points de vue permettant une liberté de sensation, d'imagination, de rêves et de réflexions.

(Merci à Laura pour me l'avoir fait découvrir!)

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