jeudi 7 janvier 2016

7 janvier - Edito de Riss

"Malgré les mesures de sécurité mises en place par la police après l'incendie en 2011, le goût pour la vie nous fit oublier l'angoisse de la mort. Un mois avant le 7 janvier, je demandais à Charb si sa protection avait encore un sens. Les histoires de caricatures, tout ça, c'était du passé, c'était derrière nous . Mais la religion ne connait pas le temps. Elle ne compte pas en années ou en siècles, car elle ne connait que l’Éternité. A Charlie, on croyait que du temps avait passé et que l'oubli avait fait le reste. Mais un croyant surtout fanatique, n'oublie jamais l'affront fait à sa foi, car il a derrière lui et devant lui l'Éternité. C'est ce qu'on avait oublié à Charlie. C'est l’Éternité qui nous est tombé dessus,comme la foudre, ce mercredi 7 janvier.

Ce matin-là, après le bruit assourdissant d'une soixantaine de coups tirés en trois minutes dans la salle de rédaction, un immense silence envahit la pièce. Plus un mot, plus un bruit. Plus rien à part l'odeur âcre de la poudre. J'espérais entendre des plaintes, des gémissements. Mais non, pas un son. Ce silence me fit comprendre qu'ils étaient morts...

Après le 7 janvier, beaucoup nous ont regardé comme si nous étions des zombies, à moitié morts, à moitié vivants. Charlie décimé bougeait encore un peu. Dans cette période terrible qui suivit les attentats, des esprits délicats eurent l'élégance de prétendre que de toute manière vu la situation financière du journal en 2014, la mort de Charlie était programmée...Sans le 7 janvier nous n'aurions eu que quelque mois à vivre, le 7 janvier avait été notre chance puisque d'un seul coup la France entière se mit à lire Charlie. Imaginez l'effet que la lecture de tel propos peut faire sur ceux qui essayaient de se relever. Une fois de plus l'existence de Charlie était une anomalie. Même dans ces moments cauchemardesques.


On nous demande souvent: "Mais comment pouvez vous faire le journal après tout ça?" Comment? C'est tout ce qu'on a vécu depuis vingt trois ans qui nous en donne la rage. Jamais on n'a eu autant envie de casser la gueule à tous ceux qui ont rêvé de notre disparition. Ce ne sont pas deux petits cons encagoulés qui vont foutre en l'air le travail de nos vies, et tous les moments formidables vécus avec ceux qui succombèrent. Ce n'est pas eux qui verront crever Charlie. C'est Charlie qui les verra crever. L'année 2015 fut l'année la plus terrible de toute l'histoire de Charlie Hebdo, car elle fit subir le pire supplice pour un journal d'opinion: mettre à l'épreuve nos convictions. Allaient-elles être suffisamment fortes pour nous donner l'énergie de nous relever? Vous avez la réponse entre vos mains. Les convictions des athées et des laïcs peuvent déplacer encore plus de montagnes que la foi des croyants." 

Riss dans Charlie n°1224


Il faut lire Charlie ! lire Riss ! pas seulement regarder les dessins, les blagues. Charlie n'est pas qu'un symbole ce sont des hommes encore debout vivants! avec leurs idées, avec leur authenticité d'homme questionnant la société, à leur manière et surtout avec leur soif de liberté! J'aurai pu mettre les éditos de Riss de toute l'année 2015 ils sont tous de cette trempe!


                     MERCI A EUX !

3 commentaires:

LE CHEMIN DES GRANDS JARDINS a dit…

Merci d'avoir relayé ce cri de vie !
Depuis Mercredi, je suis dans la lecture du dernier Charlie Hebdo. Je le lis, le relis, le relie aux faits, aux déclarations faites à la TV, aux témoignages des ceux qui ont échappé aux massacres, mais aussi à l'immonde du tout venant que déverse sa haine sur ce journal. Je vois beaucoup de cérémonies officielles, posées là comme des récupérations politiques. ça fait beaucoup dans la tête d'un vieil homme comme moi. Mais pas assez pour oublier, chard, Cabu, Tignous,Wolinski, Honoré et les autres amis. Pas assez pour rentrer dans le rang de la bien pensante qui nous expliquent : ils l'ont bien mérité. Je ne priais pas avant, le ciel et ne le prierai pas après. Comme ils avaient raison ces garnements de remettre en question toutes les religions et nous inviter plutôt à la révolte de l'esprit, à l'insurrection, à la remise en cause de l'ordre, par l'humour, la caricature, qui restent les meilleurs armes contre la barbarie. J'ajouterai que c'étaient tous, des gentils, des amoureux de la vie et que cela se voyait, aussi bien dans leurs dessins que dans leurs écrits.
Je suis une petit chose vivante et vieillissante, qui se souvient aujourd'hui, de ce massacre de si belles personnes, mortes pour la défense de la plus belle de nos libertés, la liberté d’expression. J'aurais préféré mourir avant eux, j'en ai l'âge. Maintenant, je serais un mémoire vigilante mais qui pleure avec les survivants, aujourd'hui.
Fraternellement.

Roger Dautais

Estourelle a dit…

Merci Roger de tout cœur avec toi!

mémoire du silence a dit…

MERCI tout simplement ... n'oublions jamais cette liberté là.