vendredi 27 novembre 2020

Le sentiment océanique

Gustave Courbet, la mer, 1867




"C’est à Romain Rolland que l’on doit l’expression de « sentiment océanique », dans ses échanges avec Freud. Il s’agit d’une sorte d’élan mystique et de confusion avec le grand Tout, comme la vague dans l’océan. L’écrivain y voyait l’expérience majeure des religions asiatiques. C’est ce que rappelle la psychanalyste Drina Candilis-Huisman dans la revue Quinzaines, qui consacre un dossier à « penser, écrire, filmer la mer ». Freud n’est pas mystique. Dans Malaise dans la civilisation, qu’il dédie à Romain Rolland, il discute la pertinence de cette notion, et la rabat sur la psychopathologie d’un état où « la délimitation d’une frontière entre le Moi et le monde devient incertaine ». Il la renvoie à d’autres images : le silence du désert, les cimes montagneuses ou l’immensité céleste. Mais - souligne la psychanalyste « l’image de la mer, constamment agitée du mouvement des vagues et des marées, représente une rythmique temporelle » qui nourrit mieux qu’aucune autre « une sensation d’éternité », là où la ligne d’horizon devient un point de fuite. Après Freud, Winnicott analysera le sentiment océanique comme une « crainte de l’effondrement », l’angoisse d’une chute qui ne connaît pas de fond, la trace traumatique d’une défaillance, d’un défaut de « portage » dans les soins maternels.

La mer, toujours recommencée

Et il est vrai que le sentiment océanique a un lien fort avec la naissance, de soi et du monde. « Entre le vide et l’événement pur, J’attends l’écho de ma grandeur interne, Amère, sombre, et sonore citerne, Sonnant dans l’âme un creux toujours futur ! » chantait Paul Valéry dans Le Cimetière marin *. Daniel Bergez, qui publie une anthologie littéraire illustrée par les peintres : Écrire la mer (Citadelles & Mazenod), souligne le défi de la représenter."

Il faut attendre Courbet et l’impressionnisme pour que la touche, par son épaisseur et le mouvement qui la porte, en donne l’équivalent pictural.

Le journal des idées par Jacques Munier ( France Culture - 27/11/2020 - 6h40 - ) 



Aucun commentaire: