samedi 2 septembre 2023

Lecture d'été



Et voici la maison… Aujourd’hui, la ruine a passé sur cette splendide maison déchue, et y a fait son travail de ruine. Maintenant ruine (de l’enfance) retournant à la ruine, purgés de cette bile, de ce fiel de l’enfance (dans le vide immaculé de la mémoire) venez par la prairie qu’on appelle le Pré de Bailey où les millions de pissenlits, comme des petites têtes réunies et brillantes, tissent leurs broderies lumineuses, venez à travers la moutarde en fleurs, le trèfle, la végétation folle, par le sentier envahi par les herbes qui nous servait de raccourci pour aller à la ville quand il n’y avait point quelque tente de cirque ou un prêche en plein air. Voici l’endroit où repose une vache brune, tachetée, (vous vous rappelez, nous l’appelions Roma quand elle était génisse, et nous nous amusions à grimper sur son dos) qui rumine l’indestructible mauvaise herbe du temps ; plus loin voici le monde silencieux, affairé et nerveux d’une fourmilière qui continue à grouiller, à travailler sans souci de la décrépitude des splendides maisons déchues ni de la chute des roues hydrauliques brisées. Bruit régulier de la rumination, lente mouture rythmée, quête éternelle, rouge, scintillante, des fourmis, et l’éternel, l’inaltérable cycle des fleurs – les blanches d’abord, puis les rouges, les bleues, les violettes, et finalement la splendeur des jaunes, tout cela tourne, tourne sans cesse en un mouvement perpétuel se moquant de la route tortueuse qui, par-dessus leurs échaliers tortueux, mène les familles à travers les souffrances, les échecs et la mort jusque dans un Paradis tortueux.
Si vous venez par là, environ ce temps-ci, à travers le Pré de Bailey, vous atteindrez bientôt et devrez traverser les rails gondolés, rouillés, du MKT, le chemin de fer qu’on appelait Katy Railroad, et, les ayant franchis, vous verrez devant vous cette maison. Vous croirez entendre une voix. D’où vient-elle ? De la fenêtre aux persiennes fermées ? De la véranda ? De la cave ? Du grenier ? Elle murmure : « Mais qui donc arrive par ici, à travers les herbes folles ? Qui donc revient au foyer à travers l’humidité des bas-fonds ? »
Si c’est toi, Berryben Ganchion, tu reviens après une longue, une très longue absence, et tu reviens trop tard. Car ta mère, Malley Ganchion, est maintenant aveugle par suite de cette cataracte qui, pendant si longtemps, lui avait presque ôté la vue. Derrière la persienne fermée, seule dans cette maison, elle guettait ton retour.
Si c’est toi, Sue Emma Starnes, tu arrives trop tard aussi, et si c’est quelqu’un d’autre, alors c’est pour eux tous que celui-là revient, en leur nom, pour fouiller, explorer à son heure, pour trouver un sens et un langage et un nom.






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