dimanche 28 septembre 2025

Lagurus ovatus





Des déménagements il y en eut beaucoup. Trop. Première pensée : je n’aime pas les déménagements. Outre les objets à ranger, à trier, à jeter, à emballer dans les cartons;  il y a soi, on ne sait pas non plus où se mettre, où se ranger. On est entre deux . Entre deux espaces , entre deux moments. Espace et temps se contractant bizarrement, plus qu’ à l’accoutumée. J’aime la stabilité, tout ce qui bouge me désarçonne, me donne le vertige, à part l’eau qui m’apaise comme les rivières, la mer, les lacs, mais l’eau c’est sa fluidité qui me correspond et c’est autre chose. Ce n’est pas brutal comme les déménagements, qui eux sont des cassures, des ruptures, objets qui se heurtent, qu’on bouscule, qu’on contraint à entrer dans des cartons trop petits, qu’on s’échine à faire tenir dans des boites où ils sont tout resserrés, tout misérables, alors qu’ils avaient chacun leur place, leur sens, enchantant l’espace et le temps, on les caressait du regard parfois avec tendresse, on s’y appuyait par la pensée lorsque l’on avait besoin de courage pour vivre, pour supporter les autres.


Leur présence rassurante nous parle du temps d’avant, du je me souviens, et là tout à coup je repense aux bouquets de doudous appelés ainsi à cause de leur aspect duveteux et doux, et parce que l’on à jamais su le nom savant, qui est lagurus ovatus, aussi appelé vulgairement pattes de chattons et qui restera éternellement pour nous, doudous, au risque de passer pour des simplets ou des attardés. Quand je dis nous il s’agit du clan familial composé de deux parents et trois enfants. Donc ces doudous que je garde précieusement depuis très longtemps, depuis l’île d’Aix, depuis...On ne sait plus, comme un héritage, plus précieux que l’or ? A chaque déménagement je me dis, non je ne les emporterai pas. Ils sont devenus un peu gris à force, la poussière y a déposé un léger ton pastel mais on ne peut les épousseter au plumet ( étant eux-mêmes des plumets !) ni au chiffon encore moins, au risque de les voir se dissoudre à leur tour en poussière ! A la limite les secouer un peu mais là aussi au risque de les casser,  faire  disperser leur duvet léger dans le néant. Leur fragilité m’émeut, cela me renvoie à la fragilité du temps qui passe et aux souvenirs évanescents. Ils n’iront pas dans les cartons, c’est irrévocable. Alors il faudra les porter à la main, précieusement, comme on porterait l’impermanence entre les mains. Ça ne pèse rien l’impermanence, mais c’est pour ça que je les garde, à cause de l’illusion d’un présent éternel dans un bout de rien, un petit bout de doudou. Qui sait s’ils n’ont pas encore un parfum de sel , quelques grains de sable cachés en leurs cœurs. N’entend-t-on pas parfois le bruit de l’océan lorsqu’on les agite doucement près de l’oreille ?






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