jeudi 30 octobre 2025

La maison vide


On pourrait croire à un récit historique, à une enquête généalogique, à un roman qui nous raconte, pour la millième fois, les mêmes traumatismes de l’histoire qui emportent les familles et les individus, jouant les proportions du roman historique… Il n’en est  évidemment rien, et le lecteur découvre au bout de deux cents pages un peu éprouvantes – comme tous les récits familiaux qui fourmillent de noms de personnages et de recoins obscurs – que cette « préhistoire de l’histoire » dont l’écrivain confie, dans des entretiens passionnants, avoir besoin pour « préparer la venue […] d’un roman qui ouvre sur le roman » est profondément nécessaire et ouvre à un texte d’une richesse qui prolifère dans l’esprit, fait se retourner sans cesse le lecteur sur ce qu’il lit, sur ce qui s’y dit, sur ce qui y prend forme. Ainsi s’ouvre un livre puissant sur l’absence, le vide dans l’histoire personnelle et familiale des êtres, sur les silences, les écrans qui s’interposent pour masquer un réel insaisissable, sur la nécessité impérieuse de s’en ressaisir, d’en faire quelque chose pour la littérature, pour la langue. Et lorsque le narrateur plonge dans cette histoire pour nous amener à celle de sa grand-mère Marguerite, personnage effacé de l’histoire – jusque sur les photos sur lesquelles son visage est découpé – et qui lance cet énorme livre qui déborde de tous les côtés, il nous parle de nous, profondément, de la mémoire que l’on se constitue et qu’on s’invente, des vides qui nous hantent sans que nous le sachions vraiment, des manques qui empêchent la vie et la rendent vivable. Il ordonne des paradoxes et pense le pouvoir et le rôle même de la littérature, des voix qu’elle fait émerger de la ténèbre de la vie et du passé. 

par  Hugo Pradelle 
9 septembre 2025

ICI 











Aucun commentaire: