Le temps n’est pas perdu, il n’a donc pas besoin d’être retrouvé, il existe continuellement, avec ou sans nous. On le rencontre à la faveur des instants qui jaillissent, lorsque la vie nous inonde.
Où nous mène la peinture ? « Va vers toi », dit la Genèse. En m’arrachant à moi-même, Bacon m’a accompagné jusqu’à ma propre nuit. Avais-je enfin trouvé un point d’appui ? Au contraire, lorsqu’on est tout le temps à vif, on n’a plus aucune limite et l’on s’offre à sa propre frayeur
J’ai eu l’intuition que la peinture vivait, qu’elle respirait comme un corps sensible aux variations de l’éclairage.
– I’ll be free just like that bluebird – vous entendez : la résurrection est un oiseau bleu, les couleurs s’endorment dans le bleu de la nuit et renaissent il y a un point où l’on se réveille de la mort et je cours à en perdre haleine en tournant sur moi-même la vie nous transmet à la lumière et nous nous mettons à rayonner comme des corps célestes et nous voici traversés par le mouvement de l’univers où dans l’ivresse le monde ne cesse de se peindre.
J’avais choisi le dernier album de David Bowie, Blackstar, qui était sorti deux jours avant sa mort, et plus spécialement la chanson « Lazarus », qui chante la résurrection. Je me suis laissé porter par les paroles : Look up here, I’m in heaven. J’allais de plus en plus vite, la lumière faisait des bonds dans la nuit, je riais en répétant I was living like a king, et des éclats de rouge caressaient mon front, ça clignotait, bleu, rose, gris argenté, vert olive, et voici qu’apparaissaient des cuisses, des cages, des dunes, des lignes de stores et très furtivement la sphinge, et dans l’euphorie j’ai plongé dans ce miroir où brusquement se divise un taureau et voici que je me reflète à travers sa brisure et avale son souffle – I’m so high it makes my brain whirl –, et une tache de sang apparaît sur le trottoir, jamais je n’ai vu d’aussi près son grain, ses cristaux, on dirait des larmes, le sang est composé de larmes, je n’en reviens pas, et voici une main qui tourne la clef dans une serrure et voici une échancrure et des éclairs rose et bleu qui affluent de nouveau, semblables à celui qui barre le visage de mon Renard, et avec lui les étincelles se multiplient et chaque lueur s’enflamme comme un feu d’atomes – voix fleur lumière écho des lumières cascade jetée dans le noir – et tout de suite d’autres couleurs, d’autres joies car il est si beau de tournoyer dans la peinture et de coïncider avec elle j’ai pensé mes yeux sont en train de renaître je deviens lumière comme les étoiles qui se confondent avec le mouvement de la matière et prennent feu et mes yeux s’enflamment – I’ll be free just like that bluebird – vous entendez : la résurrection est un oiseau bleu, les couleurs s’endorment dans le bleu de la nuit et renaissent il y a un point où l’on se réveille de la mort et je cours à en perdre haleine en tournant sur moi-même la vie nous transmet à la lumière et nous nous mettons à rayonner comme des corps célestes et nous voici traversés par le mouvement de l’univers où dans l’ivresse le monde ne cesse de se peindre.
1 commentaire:
c'est curieux, j'étais justement en train de penser à lui -Yannick Haenel- en ouvrant ta page... merci
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